De l’énergie fournie par les enveloppes des grains de café

Pour obtenir les grains de café, il faut débarrasser les « cerises » de café (Fig.1) de leur enveloppe charnue. Cette coque constitue une biomasse qui peut être exploitée pour fournir de l’énergie.

Fig.1 Fruits (cerises) de caféier à divers stades de maturation Wikipedia Fernando Rebelo CCA 3.0

Fig.1 Fruits (cerises) de caféier à divers stades de maturation
Wikipedia Fernando Rebelo CCA 3.0

Des scientifiques de l’Universidad ECCI, de l’Universidad de los Andes  et de l’Universidad Nacional Abierta y a Distancia, Bogota, Colombie ont mis au point une méthode nouvelle de gazéification de cette biomasse pour obtenir du syngas apte à alimenter des moteurs ou fournir de la chaleur par sa combustion.

On appelle « syngas » ou gaz de synthèse un mélange gazeux combustible produit par pyrolyse. Au début du XXe siècle, on nommait « gaz de ville » celui obtenu par pyrolyse de la houille.

L’augmentation des émissions dues à la combustion des carburants fossiles non renouvelables a stimulé la recherche de technologies de développement durable. L’exploitation des résidus de la culture du café en est un bon exemple.
En 2016, la Colombie a produit 870 000 tonnes de café vert qui ont engendré quelques 141 600 tonnes de déchets. Ces coques de café peuvent être utilisées comme matériau de départ pour la production in situ de carburants gazeux dans de petites installations de gazéification. Ceci permet de réduire la consommation de carburants fossiles des plantations de café.
Des réacteurs à lit fixe en contre-courant (Fig.2.) sont bien adaptés à des petites installations en raison de la simplicité de leur mise en œuvre.

Fonctionnement d’un réacteur à contre-courant

Au sommet du lit de l’installation, ce sont les fractions de la biomasse les plus volatiles qui se dégagent à une température allant de 100°C à 177°C dans cette zone de séchage. Les autres fractions contenues dans la matière sèche de la biomasse se retrouvent en dessous, dans la zone de pyrolyse où elles sont volatilisées à des températures allant de 177°C à 717°C. Le résidu de carbone et de cendres réagit, dans la zone de réduction, située encore plus bas, à des températures allant de 717°C à 827°C, avec CO2, CO, H2, H2O, ce qui produit des produits secondaires comme  CO, H2 et  du méthane CH4. Au-dessous, dans la zone de combustion, le  carbone réagit avec H2O pour  fournir CO et H2 et aussi la chaleur nécessaire aux réactions.
Au-dessus de la zone de combustion, la température décroît car les réactions ayant lieu dans les zones de pyrolyse, réduction et séchage sont toutes endothermiques, c’est –à-dire qu’elles absorbent de la chaleur.
Des expériences de gazéification sur diverses biomasses différentes ont montré que l’ajout d’oxygène augmentait la valeur de combustion du syngas.
Les chercheurs colombiens ont injecté un mélange d’oxygène et de vapeur d’eau dans le réacteur de gazéification schématisé en Fig.2.
Ils ont ainsi pu faire varier des paramètres importants comme le rapport d’équivalence ER = (nombre de moles d’oxygène entrant en jeu dans les réactions)/(nombre de moles d’oxygène présentes) et le rapport SF = (nombre de moles d’oxygène)/(nombre de moles de carburant).

Fig.2. Installation de gazéification avec injection d'oxygène et de vapeur d'eau Les courants d'oxygène et de vapeur d'eau sont ajustés selon l'expérience (cela fixe ER et SF). Tiré de Experimental Gasification of Coffee Husk Using Pure Oxygen-Steam Blends Javier Bonilla, Gerardo Gordillo and Carlos Cantor Frontiers in Energy Research | www.frontiersin.org 1 November 2019 | Volume 7 | Article 127

Fig.2. Installation de gazéification avec injection d’oxygène et de vapeur d’eau
Les courants d’oxygène et de vapeur d’eau sont ajustés selon l’expérience (cela fixe ER et SF).
Tiré de Experimental Gasification of Coffee Husk Using Pure Oxygen-Steam Blends
Javier Bonilla, Gerardo Gordillo and Carlos Cantor
Frontiers in Energy Research | www.frontiersin.org 1 November 2019 | Volume 7 | Article 127. CC-BY

L’augmentation des paramètres  ER  et SF diminue la température du gazéificateur. Par exemple, pour un ER constant = 1,6, la température maximale est de 979 °C pour SF = 0,4 et de 825°C pour SF = 0,8. Inversement, à SF constant = 0,4, si ER passe de 1,6 à 5,6, la température maximale diminue de 979°C à 864°C
La composition exacte du syngas, qui contient H2, CO,  CO2, et du méthane CH4 .dépend aussi beaucoup de ER et de SF.
Enfin, l’efficacité du gaz froid, qui est l’énergie  emmagasinée dans le syngas par unité de biomasse gazéifiée est un paramètre important qui permet d’estimer l’énergie récupérée par la gazéification. La Fig.3. ci-dessous montre sa variation avec ER et SF.

Fig.3. Efficacité du gaz froid (EGF) pour 3 valeurs de SF et 7 de ER Tiré de Experimental Gasification of Coffee Husk Using Pure Oxygen-Steam Blends Javier Bonilla, Gerardo Gordillo and Carlos Cantor Frontiers in Energy Research | www.frontiersin.org 1 November 2019 | Volume 7 | Article 127

Fig.3. Efficacité du gaz froid (EGF) pour 3 valeurs de SF et 7 de ER
Tiré de Experimental Gasification of Coffee Husk Using Pure Oxygen-Steam Blends
Javier Bonilla, Gerardo Gordillo and Carlos Cantor
Frontiers in Energy Research | www.frontiersin.org 1 November 2019 | Volume 7 | Article 127. CC-BY

Quand ER augmente, EGF décroît. En outre, un ER trop élevé entraîne une production élevée du mélange de carbone et de cendres dans la zone de pyrolyse en raison du trop faible afflux d’oxygène dans la zone de combustion

L’étude entreprise par les chercheurs colombiens a montré finalement :
1- l’augmentation des rapports ER et SF diminue à la fois la température de la zone de combustion et la fraction de CO dans le syngas.
2- l’augmentation de SF associée à une diminution de ER augmente la production de CO2.
3- la production de méthane, toujours inférieure à 5%, augmente avec ER et SF. en même temps que celle de H2 .

4- la densité d’énergie contenue dans le syngas augmente à ER constant avec SF. Elle présente un maximum quand ER =3,2.
5- l’efficacité du gaz froid décroît à SF constant quand ER augmente.

La comparaison entre la gazéification avec injection d’air + vapeur d’eau et celle d’ oxygène + vapeur d’eau est à l’avantage de cette dernière avec une efficacité du gaz froid de 82% pour l’oxygène- vapeur et de 62% seulement pour l’ air-vapeur. De surcroît, l’injection d’oxygène-vapeur d’eau augmente la température du système.
Cette technologie est particulièrement adaptée à de petites plantations, les « fincas » colombiennes, qui peuvent ainsi produire à bas coût du syngas qui leur est particulièrement utile pour l’obtention d’énergie et d’électricité.

Pour en savoir plus :
Experimental Gasification of Coffee Husk Using Pure Oxygen-Steam Blends
Javier Bonilla, Gerardo Gordillo and Carlos Cantor
Frontiers in Energy Research | www.frontiersin.org 1 November 2019 | Volume 7 | Article 127