Des dispositifs semi-conducteurs au cœur d’une fibre optique

La fibre optique est très utilisée dans les réseaux de communication. Il faut donc pouvoir générer, moduler, détecter et éventuellement amplifier la lumière. On utilise pour cela d’habitude des dispositifs électro-optiques extérieurs à la fibre dont l’encombrement peut être bien supérieur à la dimension diamétrale de la fibre.

De ce fait, le couplage optique direct entre des dispositifs semi-conducteurs de géométrie plate et les fibres de silice est perturbé par la désadaptation d’impédance et la grande différence d’indice entre les deux systèmes. Dans ce cas les dispositifs pour adapter l’impédance sont complexes.

Quand la lumière arrive à l’interface entre deux milieux d’indice de réfraction différents, la lumière subit une réflexion partielle et n’est donc pas complètement transmise dans le second milieu. On dit qu’on a alors désadaptation d’impédance entre les deux milieux. Si on intercale entre ceux-ci un milieu d’indice et de géométrie choisis, on peut compenser l’effet précédent. On a alors réalisé une adaptation d’impédance, la lumière est transmise quasi intégralement. Les dépôts dits «anti-réfléchissants» que l’on voit sur les objectifs de prise de vue n’ont pas d’autre but.

Il serait extrêmement pratique d’avoir des systèmes incorporés à une fibre qu’on pourrait coupler sans discontinuité à la fibre porteuse du signal.
Cela semble bien difficile à réaliser, a priori, mais l’utilisation conjointe de fibres optiques micro-structurées et d’une technique de dépôt chimique en phase vapeur sous haute pression a permis d’intégrer des matériaux semi-conducteurs dopés avec exactitude et de créer des jonctions à semi-conducteurs de haute précision dans ces fibres.

Fig.1. Représentation de la méthode de dépôts en phase vapeur sous haute pression à l’intérieur des micropores d’une fibre optique micro-structurée. Crédit Nature Photonics.

Fig.1. Représentation de la méthode de dépôts en phase vapeur sous haute pression à l’intérieur des micropores d’une fibre optique micro-structurée. Crédit Nature Photonics.

 

Les fibres optiques micro-structurées

Les fibres optiques micro-structurées (FOM, en anglais MOF, microstructured optical fibres) sont des fibres contenant des pores vides parallèles à leur longueur. Ce sont ces canaux d’une taille nanométrique qui guident la lumière dans la fibre. Ces MOF sont fabriquées en empilant et soudant des capillaires pour obtenir des objets de quelques centimètres de diamètre qu’on étirera à haute température jusqu’à un diamètre de l’ordre du micromètre. On voit sur la figure suivante un exemple de telle fibre d’un diamètre de 3 micromètres (3µm) avec des pores d’environ 166 nanomètres (166 nm).

Fig.2. Vue au microscope à balayage d’une fibre optique micro-structurée. On aperçoit les extrémités des pores. Ceux-ci ont été ici remplis de germanium amorphe (non cristallin) par la méthode exposée ci-après. La barre d’échelle mesure 1 micromètre. Crédit Nature Photonics.

Fig.2. Vue au microscope à balayage d’une fibre optique micro-structurée. On aperçoit les extrémités des pores. Ceux-ci ont été ici remplis de germanium amorphe (non cristallin) par la méthode exposée ci-après. La barre d’échelle mesure 1 micromètre. Crédit Nature Photonics.

Alors qu’il aurait été très difficile de fabriquer des structures semi-conductrices dans la géométrie d’une fibre optique, on a pu, par dépôt de vapeur, créer des diodes semi-conductrices à l’intérieur des pores.

Dépôt chimique en phase vapeur sous haute pression

Le dépôt chimique par évaporation est maîtrisé depuis plusieurs décades par l’industrie des circuits intégrés. Il permet de déposer directement sur des surfaces planes toute une gamme de semi-conducteurs et de métaux avec une précision extraordinaire. Les chercheurs du département de Chimie de l’Université de l’Etat de Pennsylvanie (USA) ont perfectionné cette technique en la pratiquant à haute pression. En utilisant un gaz porteur comme l’hélium ou le dioxyde de carbone, on peut faire circuler sous haute pression (8 à 35 MPa, i.e. 80 à 350 atmosphères) dans les pores de la fibre MOF des mélanges de produits chimiques de départ, par exemple du silane (SiH4) et des dopants comme l’hydrure de bore (B2H6) ou  l’hydrure de phosphore (PH3). La décomposition des produits de départ, le dépôt du film et l’absorption du dopant s’effectue à l’intérieur des pores, à des températures parfaitement définies et contrôlées. La figure 1 résume la méthode. En introduisant dans la vapeur des dopants variés et en variant leur pression partielle, on peut arriver à déposer des cylindres concentriques de silicium de type p et de type n, créant ainsi une diode(Fig.3). En présence de lumière dans la fibre, il apparaîtra une tension entre les deux cylindres : on aura une photodiode.

Fig.3 Une photodiode de type Schottky obtenue par dépôts séquentiels de Si dopé au phosphore(type p), de Si de type n et de couches de platine La barre d’échelle vaut 5 micromètres. Crédit Nature Photonics.

Fig.3 Une photodiode de type Schottky obtenue par dépôts séquentiels de Si dopé au phosphore(type p), de Si de type n et de couches de platine La barre d’échelle vaut 5 micromètres. Crédit Nature Photonics.

Fig.4 Electrodes en platine déposées sur l’extrémité polie de la diode Pt/Si de type n. Elles assurent le contact avec le cylindre de platine déposé et le silicium de type p. Crédit Nature Photonics.

Fig.4 Electrodes en platine déposées sur l’extrémité polie de la diode Pt/Si de type n. Elles assurent le contact avec le cylindre de platine déposé et le silicium de type p. Crédit Nature Photonics.

La lumière guidée dans les pores de la fibre micro-structurée excite bien les photodiodes fabriquées dans les canaux. Une section de fibre MOF contenant des photodiodes peut se coupler sans soudure et sans pratiquement de perte de puissance de la lumière transportée à une fibre MOF ordinaire ou même à de la fibre optique ordinaire de même diamètre. On peut donc intercaler une fibre MOF contenant des photodiodes dans des fibres optiques de transmission.
Pour en savoir plus :
Integration of gigahertz-bandwidth semiconductor devices inside microstructured optical fibres Rongrui He, Pier J. A. Sazio, Anna C. Peacock, Noel Healy, Justin R. Sparks, Mahesh Krishnamurthi, Venkatraman Gopalan,and John V. Badding,  Nature Photonics DOI: 10.1038/NPHOTON.2011.352oNature
Consulter l’article Fibre optique dans Wikipedia http://fr.wikipedia.org/wiki/Fibre_optique