La fusion nucléaire au laboratoire !

La fusion nucléaire est l’assemblage de deux noyaux atomiques  pour former un noyau plus lourd. Elle se produit dans le Soleil et nombre d’étoiles. Elle dégage d’énormes quantités d’énergie.
Des réacteurs à fusion nucléaire  fourniraient à l’humanité une source d’énergie propre quasi illimitée et peu chère. Jusqu’ici, les essais de création de ces réacteurs impliquaient des constructions énormes et complexes pour générer et contenir les plasmas hyper chauds nécessaires pour déclencher les réactions de fusion. En France, d’ailleurs, le gigantesque projet ITER ne concerne que le système de confinement du plasma. A l’University of Washington, Seattle, USA, Yue Zhang  et al. ont réussi à déclencher des réactions de fusion en utilisant un montage assez petit pour tenir sur une table.

Leur système est du type utilisé pour obtenir un plasma en auto-striction (en anglais Z pinch) : un très fort courant axial crée un champ magnétique qui comprime (en anglais pinch) le plasma. Cette technique a été utilisée depuis plusieurs décades pour étudier au laboratoire ce qui se passe à l’intérieur extrêmement chaud des étoiles.

Schéma de la géométrie du Z pinch

Le courant I axial est en jaune. Le champ magnétique B azimutal est en violet. Ce champ B agissant sur les porteurs de charge du courant I crée une force radiale dirigée vers l’axe Z.  Ceci comprime le plasma, d’où son auto-striction (Z pinch en anglais par référence à l’axe Z du courant).

En 1950, des chercheurs avaient publié la première observation de neutrons générés par la fusion deutérium-deutérium dans un plasma en auto-striction.   Mais, en raison de l’instabilité des plasmas ainsi obtenus, les recherches sur la fusion nucléaire basées sur les Z pinch plasmas avaient quasiment été abandonnées.
Zhang et al. ont réussi à surmonter ce problème et à générer un plasma stable à partir d’atomes d’hydrogène H et de deutérium 2H. . Pour obtenir cela, ils ont appliqué une force électrostatique radiale dirigée vers l’axe du plasma au cours de  son parcours dans le montage.
Ce dernier constitue un petit accélérateur électrostatique de particules ( Fig.1). Une section d’accélération électrostatique de 100cm est couplée à une région d’auto-constriction, dite d’assemblage, de 50 cm. Cette région, où se produit l’assemblagedes noyaux atomiques, est formée par une extension de l’électrode externe (en bleu sur la Fig.1.) 50 cm après l’extrémité de l’électrode interne (en jaune sur la Fig.1.) Le gaz est injecté par bouffées dans la région d’accélération et celle d’assemblage par un système de vannes.

Fig.1 Vue latérale du montage utilisé Le diamètre des électrodes coaxiales interne et externe est respectivement de 10 et 20 cm. De nombreuses sondes mesurent le champ magnétique azimutal. Un interféromètre mesure la densité du plasma par une vue latérale de celui-ci.La température du plasma est obtenue par mesure d’effet Doppler sur des ions impuretés (carbone) du plasma. L’émission de neutrons est mesurée par un scintillateur plastique cylindrique couplé à un tube photomultiplicateur. Les mesures sont effectués dans le plan z = 15 cm indiqué sur la figure. Tiré de Sustained Neutron Production from a Sheared-Flow Stabilized Z Pinch Y. Zhang,* U. Shumlak, B. A. Nelson, R. P. Golingo, T. R. Weber, A. D. Stepanov, E. L. Claveau, E. G. Forbes, and Z. T. Draper J. M. Mitrani, H. S. McLean, K. K. Tummel, D. P. Higginson, and C. M. Cooper PHYSICAL REVIEW LETTERS 122, 135001 (2019)

Fig.1 Vue latérale du montage utilisé
Le diamètre des électrodes coaxiales interne et externe est respectivement de 10 et 20 cm. De nombreuses sondes mesurent le champ magnétique azimutal. Un interféromètre mesure la densité du plasma par une vue latérale de celui-ci.La température du plasma est obtenue par mesure d’effet Doppler sur des ions impuretés (carbone) du plasma. L’émission de neutrons est mesurée par un scintillateur plastique cylindrique couplé à un tube photomultiplicateur. Les mesures sont effectués dans le plan z = 15 cm indiqué sur la figure.
Tiré de Sustained Neutron Production from a Sheared-Flow Stabilized Z Pinch
Y. Zhang,* U. Shumlak, B. A. Nelson, R. P. Golingo, T. R. Weber,
A. D. Stepanov, E. L. Claveau, E. G. Forbes, and Z. T. Draper
J. M. Mitrani, H. S. McLean, K. K. Tummel, D. P. Higginson, and C. M. Cooper
PHYSICAL REVIEW LETTERS 122, 135001 (2019)

Le plasma en auto-striction stabilisé ainsi obtenu a une densité de l’ordre de 1017  ions/cm3, une température énorme ~ 12 à 24 millions °C (correspondant à une énergie de ~ 1 à 2 keV, on est bien loin des quelques eV du plasma entre grains de raisin du blog précédent !). Son rayon de striction est de 3 mm. Il reste stable 16 µs avec des courants d’environ 200 000 A. Durant 5 µs, on a une production de neutrons quasi-constante et qui vaut ~ 105 neutrons/impulsion.

On peut voir sur la figure 2 un schéma montrant comment le montage précédent crée un plasma en auto-striction stabilisé.

Fig.2. Schéma simplifié de la formation du plasma Z pinch montrant la superposition de cinq périodes de temps successives a, b, c, d, e a)Du gaz neutre en (bleu) est injecté dans la zone annulaire d’accélération et ionisé. b) La force magnétique due au courant et au champ magnétique qu’il crée accélère le plasma(en rouge) axialement le long de l’accélérateur annulaire. c) A la fin de l’accélération, le plasma passe de l’électrode intérieure dans la région d’auto-striction le long de l’axe. d) Le plasma en auto-striction (Z pinch) se forme dans la région d’assemblage. e) Un processus de déflagration fournit un flux continu de plasma à la région d’assemblage. Les flèches vertes indiquent le courant. Tiré de Sustained Neutron Production from a Sheared-Flow Stabilized Z Pinch Y. Zhang,* U. Shumlak, B. A. Nelson, R. P. Golingo, T. R. Weber, A. D. Stepanov, E. L. Claveau, E. G. Forbes, and Z. T. Draper J. M. Mitrani, H. S. McLean, K. K. Tummel, D. P. Higginson, and C. M. Cooper PHYSICAL REVIEW LETTERS 122, 135001 (2019)

Fig.2. Schéma simplifié de la formation du plasma Z pinch montrant la superposition de cinq périodes de temps successives a, b, c, d, e
a) Du gaz neutre en (bleu) est injecté dans la zone annulaire d’accélération et ionisé.
b) La force magnétique due au courant et au champ magnétique qu’il crée accélère le plasma (en rouge) axialement le long de l’accélérateur annulaire.
c) A la fin de l’accélération, le plasma passe de l’électrode intérieure dans la région d’auto-striction le long de l’axe.
d) Le plasma en auto-striction (Z pinch) se forme dans la région d’assemblage.
e) Un processus de déflagration fournit un flux continu de plasma à la région d’assemblage. Les flèches vertes indiquent le courant.
Tiré de Sustained Neutron Production from a Sheared-Flow Stabilized Z Pinch
Y. Zhang,* U. Shumlak, B. A. Nelson, R. P. Golingo, T. R. Weber,
A. D. Stepanov, E. L. Claveau, E. G. Forbes, and Z. T. Draper
J. M. Mitrani, H. S. McLean, K. K. Tummel, D. P. Higginson, and C. M. Cooper
PHYSICAL REVIEW LETTERS 122, 135001 (2019) avec autorisation.

En utilisant la méthode du plasma en auto-striction, Zhang et al. ont obtenu un plasma stabilisé avec les paramètres indiqués plus haut qui  sont en accord avec  les  données de la théorie de la fusion nucléaire  La production stable durant 5 µs  de neutrons de haute énergie comme attendu dans une réaction de fusion et l’observation de la variation de leur nombre avec celui des ions deutérium indique une cohérence certaine avec le mécanisme de fusion thermonucléaire.
Bien  qu’il reste du chemin à parcourir pour obtenir un tel réacteur fonctionnel, cette étude ouvre la voie à l’utilisation du plasma Z pinch dans de futurs générateurs d’énergie à fusion thermonucléaire de taille raisonnable et infiniment moins onéreux à construire que les systèmes envisagés jusqu’ici.

Pour en savoir plus :

Sustained Neutron Production from a Sheared-Flow Stabilized Z Pinch

  1. Zhang,* U. Shumlak, B. A. Nelson, R. P. Golingo, T. R. Weber,
  2. D. Stepanov, E. L. Claveau, E. G. Forbes, and Z. T. Draper

Aerospace & Energetics Research Program, University of Washington, Seattle, Washington 98195, USA

  1. M. Mitrani, H. S. McLean, K. K. Tummel, D. P. Higginson, and C. M. Cooper

Lawrence Livermore National Laboratory, Livermore, California 94550, USA
PHYSICAL REVIEW LETTERS 122, 135001 (2019)