Des Nano-antennes émettrices de lumière

Pour la première fois, des chercheurs de l’Institut Langevin (CNRS / ESPCI Paris Tech / UPMC / Université Paris Diderot) à Paris and de l’Institut Fresnel (CNRS / Aix-Marseille Université / Ecole Centrale de Marseille) à Marseille ont réussi à fabriquer des antennes  de taille nanoscopique (de l’ordre de 100 nanomètres, 1 nm = un milliardième de mètre) aptes à fonctionner dans le domaine optique  .

On connaît bien, dans le domaine des ondes radioélectriques, le rôle des antennes de réception qui ont pour fonction de convertir le champ électromagnétique d’une onde en courant électrique que l’on peut alors amplifier et traiter.
Réciproquement, à l’émission, l’antenne convertit un courant électrique oscillant en champ électrique générant l’onde électromagnétique.
Les antennes ont des dimensions de l’ordre de la longueur d’onde de l’onde à recevoir ou à émettre. Par exemple, pour un signal radio de France Musique, (~96MHz), la longueur d’onde  λ  vaut 3 m, ce qui conduit à une dimension optimale pour l’antenne de cet ordre, de la moitié ou du quart  (antenne en λ/2, en λ/4).

Dans les émetteurs ou les récepteurs  de lumière à état solide, un photon interagit avec un atome quand son énergie E(proportionnelle à sa fréquence ν, E=h ν) correspond à l’énergie entre deux états quantiques de l’atome.

Dans le cas de l’émission de lumière, un atome excité passe d’un état quantique à un état d’énergie plus basse en émettant un photon. Dans le cas de la réception, un photon excite un atome d’un état quantique à un autre d’énergie plus élevée.

Les éléments qui émettent ou reçoivent la lumière sont  donc à l’échelle  atomique, celle du nanomètre. Les longueurs d’onde  de la lumière visible sont de l’ordre de 500 nanomètres, les antennes optiques doivent donc avoir des dimensions de l’ordre de 100 nanomètres. Elles permettent ainsi un meilleur couplage des atomes émetteurs avec le monde extérieur.
Por réaliser ces antennes optiques  qui facilitent l’interaction lumière-matière sur un large intervalle de fréquence, les scientifiques ont utilisé un  matériau biologique, l’ADN (acide désoxyribonucléique) greffé entre deux particules d’or sphériques d’un diamètre de  36 nm. Le brin d’ADN a de 10 à15 nm de long. Une telle structure forme une antenne dont la taille est de l’ordre du quart de la longueur d’onde moyenne du spectre visible. La figure ci-dessous en donne une représentation.

Fig. 1. a) Schéma de trois antennes fixées sur une lamelle couvre-objet de microscope. Les particules d’or de 36 nanomètres sont environ 3 fois plus larges que le brin d’ADN. La particule  rouge au centre des brins d’ADN représente la molécule d’ ATTO647N dont on peut exciter la fluorescence.
b) Images d’un échantillon d’antenne à deux particules sous faible et fort (vignette de gauche) grossissement .Les barres d’échelle valent respectivement 500 et 50 nanomètres.
Crédit Nature Communications.

Les chercheurs ont attaché une molécule de colorant fluorescent (dénommé ATTO647N) au centre des brins d’ADN. Ils éclairent ces molécules fluorescentes avec une lumière pulsée de fréquence adaptée.  La fluorescence  de ces molécules  a, en présence d’une nano-antenne, un taux d’émission de photons plus élevé de deux ordres de grandeur que celui obtenu avec les molécules isolées. Par ailleurs, le temps de vie de  fluorescence est 100 fois plus faible pour une molécule placée dans une antenne à deux particules d’or que pour une molécule isolée, ce qui induit une diminution équivalente du temps de réponse de ces systèmes.
La taille du brin d’ADN peut être ajustée en jouant sur les caractéristiques chimiques de la solution où ils sont contenus.
Ces nano-antennes à particules d’or et molécules de colorant ont pu être obtenues facilement  sous forme de suspensions  de haute pureté.  Les chercheurs des Instituts Langevin et Fresnel ont ainsi produit dans une  solution des milliards de ces structures dans lesquelles la position de la molécule de colorant est fixée avec une précision nanomètrique grâce à la présence de la double hélice de l’ADN.
Ceci dépasse de loin les possibilités offertes par les techniques de lithographie  utilisées pour la réalisation des circuits intégrés.
On peut s’attendre à ce que cette nouvelle technique soit à l’origine de DELs (diodes émettrices de lumière) de meilleur rendement, de détecteurs plus sensibles et plus rapides et de cellules photovoltaïques plus compactes  et plus efficaces.

Pour en savoir plus: Accelerated single photon emission from dye molecule driven nanoantennas assembled on DNA” Mickaël P. Busson, Brice Rolly, Brian Stout, Nicolas Bonod and Sébastien Bidault – Nature Communications, 17 July 2012