Des semi-conducteurs cristallisés sur du graphène : une voie nouvelle pour la microélectronique

Des chercheurs de la Norwegian University of Science and Technology (NTNU), Trondheim, Norvège, ont mis au point une technique pour faire croître des nanocristaux d’arséniure de gallium (GaAs) sur du graphène. Ceci ouvre la voie à la réalisation de systèmes  microélectroniques flexibles, ce qui permet de les incorporer à nombre  d’objets, du téléviseur aux vêtements Cette technologie a été brevetée et l’université a  créé une entreprise pour la commercialiser.

Le professeur Helge Weman et ses collaborateurs ont démontré qu’on peut obtenir  la croissance épitaxiale d’un grand nombre de semi-conducteurs sur du graphène.

Le graphène est un réseau hexagonal à deux dimensions d’atomes de carbone dont l’épaisseur est celle d’un atome. La forme de carbone appelée graphite est constituée d’empilements de plans de graphène.

 

L’épitaxie est une technique de croissance d’un cristal sur un substrat cristallin possédant des éléments de symétrie communs avec le cristal qu’on veut obtenir. Par chauffage sous vide, on vaporise un corps pur qui se dépose progressivement sur le substrat . Les atomes de la vapeur de propriétés cristallines voisines  se déplacent et s’ordonnent sur celui-ci. La croissance épitaxiale est, par exemple, très utilisée pour la fabrication des couches minces de silicium utilisées en photovoltaïque.

Leur modèle théorique est valable pour tous les matériaux semiconducteurs usuels. Ils l’ont vérifié expérimentalement en faisant croître des nanofils cristallins de GaAs sur du graphène.

La technique d’évaporation utilisée
C’est celle  de l’épitaxie par jets moléculaires sous vide poussé selon la méthode dite Vapeur Liquide Solide (VLS). Dans celle-ci, des atomes ou des molécules d’une espèce donnée se déposent d’abord sous une forme  liquide qui absorbe ensuite rapidement  la vapeur à partir de laquelle croîtront les cristaux désirés.
Dans le cas présent, on évapore d’abord des atomes de gallium sur une surface de graphène. Ils se déposent en gouttes ordonnées sur le réseau hexagonal du graphène. On évapore ensuite à la fois du gallium et de l’arsenic qui pénètrent dans les gouttes de gallium et se cristallisent à leur base en nanofils  verticaux de GaAs .

Fig.1. (a) Schéma de nanofils de GaAs qui croissent sur une surface de graphène.
(b) Image au microscope électronique à balayage de tels nanofils qui ont cru sur une surface graphitique à une température de 610°C sous une pression de vapeur d’arsenic de  8 10-4 pascal, soit huit milliardième de la pression atmosphérique normale. Les nanofils sont alignés verticalement avec une section hexagonale uniforme qu’on observe bien sur l’insert en haut à gauche  de l’image (b).  Les barres d’échelle valent 200 nanomètres sur l’image (b) principale   et 100 nm dans l’insert.                                                                                                                                                            Crédit Nano Letters ©2012 American Chemical Society.

Les nanocristaux croissent verticalement sur le réseau cristallin du graphène avec des facettes qui peuvent prendre deux orientations latérales  distinctes. Ceci est bien observé expérimentalement et expliqué par le modèle théorique utilisé. La figure 2 ci-dessous illustre cela.

Fig2.(a) Image au microscope électronique à balayage de deux nanofils de GaAs
qu’on a fait croître sur quelques couches de graphène. Ces deux nanofils
présentent les deux orientations cristallines différentes que l’on peut
obtenir par croissance épitaxiale sur le réseau hexagonal de graphène.
On a représenté en (b) et (c) les arrangements atomiques des
réseaux cristallins correspondant à ces deux orientations avec leur
position par rapport au réseau hexagonal du graphène. L’échelle est
indiquée sur la photo. Les flèches y indiquent les directions cristallines
des nanofils.
Crédit Nano Letters ©2012 American Chemical Society.

Pour étudier les propriétés opto-électroniques des nanofils de GaAs, l’équipe dirigée par  Helge Weman a fabriqué des photo-détecteurs constitués d’un seul nanofil. L’étude de leur réponse électrique à la lumière a montré que ces nanofils obtenu par croissance sur le graphène avaient d’aussi bonnes qualités opto-électroniques que ceux qu’on pouvait faire pousser sur des substrats en GaAs.
Des applications prometteuses
Ceci ouvre la voie à de nombreuses applications. En effet, le support de graphène peut être d’une finesse extrême, de l’ordre du micromètre, et on obtient alors un semi-conducteur flexible et, de surcroît transparent à la lumière. D’autre part, le coût du graphène est sans commune mesure avec celui des substrats cristallins habituellement utilisés pour la croissance épitaxiale. On peut donc prédire la réalisation  de diodes émettrices de lumière  et de cellules photovoltaïques à partir de ces semi-conducteurs flexibles. Mais on envisage aussi la réalisation de circuits intégrés sophistiqués en trois dimensions  obtenus à partir du graphène et de nanofils semi-conducteurs.

La vidéo ci-dessous (commentée en anglais) présente en images de synthèse l’évaporation d’abord de gallium, puis de gallium et d’arsenic et leur dépôt sur le graphène. On remarque que la croissance des nanofils cristallins de GaAs se fait au bas des « gouttes » de gallium déposées en premier.
[jwplayer mediaid= »12790″] Crédit Crayo Nano.
Pour en savoir plus:                Nano Lett. 2012, 12, 4570−4576