Des ondes gravitationnelles mises en évidence par un radiotélescope au pôle Sud ?

Albert Einstein a prédit en 1918 dans le cadre de sa théorie de la relativité générale l’existence d’ondes gravitationnelles produites par des masses accélérées.
En utilisant le radiotélescope BICEP2 situé au pôle Sud, une équipe d’astronomes américains ont étudié avec une extrême précision le rayonnement électromagnétique créé par le Big Bang qu’on appelle usuellement  rayonnement du fond diffus cosmologique (abrégé en CMB, de l’anglais cosmic microwave background),

Ils y ont trouvé un excès de polarisation de certains photons. Celui-ci est en accord avec la théorie standard (dite Lambda CDM) qui prédit une influence sur les photons de l’onde gravitationnelle qui a dû être émise juste après le Big Bang. Ceci serait la preuve la plus directe aujourd’hui de l’existence des ondes gravitationnelles.

Fig.1. Vue du télescope du pôle Sud (à gauche) et du radiotélescope BICEP2 (à droite) sur la base antarctique Amundsen-Scott. Crédit NSF.

Fig.1. Vue du télescope du pôle Sud (à gauche) et du radiotélescope BICEP2 (à droite) sur la base antarctique Amundsen-Scott. Crédit NSF.

Le modèle standard de la cosmologie prévoit que l’univers se dilate en un temps astronomiquement petit ( ≈ 10-33 s) après le Big Bang. C’est ce qu’on apppelle l’inflation. Au cours de celle-ci, il y a, entre autres, production d’ondes gravitationnelles. Ensuite  l’expansion de l’univers se poursuit à un rythme plus lent.
380 000 ans plus tard, le rayonnement du fond diffus cosmologique est émis.  L’interaction des ondes gravitationnelles avec celui-ci induit, d’après la théorie un excès de certains modes de polarisation dans ce rayonnement. C’est justement cet excès que  vient de détecter BICEP2.

La théorie de la relativité générale explique la gravité par la courbure de l’espace-temps due à la présence d’objets possédant une masse et d’autant plus forte que cette masse est élevée, effet amplement confirmée par les observations astronomiques. L’accélération d’objets massifs (il en est beaucoup dans l’univers, étoiles, planètes, etc..) peut produire une perturbation de l’espace-temps. Ce sont ces perturbations qu’on appelle ondes gravitationnelles et qui se propagent à la vitesse de la lumière. L’amplitude de ces ondes parvenant sur notre planète est extrêmement faible, d’où la difficulté de les détecter.

 
La figure  2 ci-dessous représente l’ « Histoire de l’Univers » depuis le Big Bang .

Fig. 2. Le rayonnement du fond diffus cosmologique est polarisé pa les ondes gravitationnelles 380 000 ans après le Big Bang. Crédit NSF.

Fig. 2. Le rayonnement du fond diffus cosmologique est polarisé par
les ondes gravitationnelles 380 000 ans après le Big Bang.
Crédit NSF.

Les satellites COBE et WMAP  de la NASA et PLANCK de l’ESA ont fourni une carte de l’amplitude du rayonnement diffus du fond cosmologique qui a mis en évidence des fluctuations de densité dont on pense qu’elles sont à l’origine des galaxies et des étoiles.
Le radiotélescope BICEP a été conçu et réalisé pour étudier la polarisation de ce rayonnement. Ses éléments optiques sont montés dans un cryostat  les portant à basse température (4 K = -269,15 °C) pour diminuer le bruit. En outre, dans son plan focal, des détecteurs  ultra-sensibles munis de filtres de polarisation sont refroidis  par un réfrigérateur  Hélium 3/ Hélium4 jusqu’à  une température de T= 270mK , – 272,88°C.

Un cryostat est une enceinte à double paroi isolée par le vide dont le vase central est refroidi par un liquide cryogénique, azote liquide, hélium liquide, par exemple.

La figure 3 ci-dessous présente un schéma de cet appareil.

Fig. 3. Le télescope BICEP2 dans sa monture. Il dépasse du toit du laboratoire situé à 800m du pôle Sud géographique. Son tube d’entrée absorbant et le réflecteur métallique mis à la masse empêche tout couplage avec les objets métalliques à proximité. Le système optique est un réfracteur de 26 cm d’ouverture avec lentilles en polyéthylène ; il est refroidi dans un cryostat. Sa fréquence de travail est dans la bande des 150 GHz, soit autour de 2 mm de longueur d’onde. Crédit NSF.

Fig. 3. Le télescope BICEP2 dans sa monture. Il dépasse du toit du laboratoire situé à 800m du pôle Sud géographique. Son tube d’entrée absorbant et le réflecteur métallique mis à la masse empêche tout couplage avec les objets métalliques à proximité. Le système optique est un réfracteur de 26 cm d’ouverture avec lentilles en polyéthylène ; il est refroidi dans un cryostat. Sa fréquence de travail est dans la bande des 150 GHz, soit autour de 2 mm de longueur d’onde. Crédit NSF.

Il faut noter que ces résultats confortent énormément la théorie de l’inflation qui repose aussi sur toutes les  données cosmologiques connues jusqu’ici.

Mais cette découverte n’empêchera pas les tentatives de mettre en évidence plus directement encore les ondes gravitationnelles.
On a d’abord cherché à en observer les effets sur d’énormes  masses suspendues en des points éloignés  de quelques kilomètres. Devant l’insuccès de cette méthode, on tente maintenant de voir l’effet de ces ondes sur les faisceaux lasers de gigantesques interféromètres de Michelson (ce sont le  programme  européen Virgo en Italie et le programme  Ligo aux Etats-Unis). Les expériences n’ont jusqu’ici pas été assez sensibles pour obtenir un résultat. Le programme européen  Lisa est au stade du projet : il s’agit de lancer un ensemble de trois satellites distants les uns des autres de 1 million de kilomètres qui peuvent mesurer leurs distances par interférométrie laser et de détecter ainsi le passage d’une onde gravitationnelle qui modifie ces distances.
Les ondes gravitationnelles générées par la brève mais violente période de l’inflation doivent maintenant encore se propager à travers l’Univers, mais avec une intensité si affaiblie qu’ on ne peut penser les détecter directement.  Néanmoins, elles ont laissé dans le CMB  une  marque distinctive de polarisation qui a permis de les  identifier.

ADDENDUM:  En février 2015 , une analyse conjointe des résultats de BICEP2 et du satellite Planck de l’ESA a été publiée par les deux équipes. Elle a clairement montré que la région du ciel étudiée par BICEP2 contenait des poussières galactiques dont Planck a mesuré l’émission lumineuse polarisée. Si on la déduit du signal de BICEP2, il n’y a plus assez de signal pour prouver quoi que ce soit. On n’a donc pour l’instant pas encore observé d’ondes gravitationnelles ni trouvé d’empreinte de l’inflation cosmique. Le sujet reste ouvert et l’équipe du pôle Sud envisage d’augmenter la sensibilité de sa détection.

Pour en savoir plus :
BICEP2 -II: EXPERIMENT AND THREE-YEAR DATA SET
BICEP2-DETECTION OF B-mode POLARIZATION AT DEGREE ANGULAR SCALES

Wikipedia Onde gravitationnelle