Fig.1. Des liquides différents s’évaporent différemment Un verre d’eau s’évapore plus vite dans un environnement sec. Ajouter à l’eau une longue chaîne de polymères(comme, par exemple, les constituants d’une peinture) change la sensibilité de la vitesse d’évaporation à l’humidité. L’évaporation de l’eau attire les polymères vers la surface, où ils forment une couche dense qui gêne l’évaporation et la rend indépendante de l’humidité. Credit: M. Huisman and S. Titmuss/University of Edinburgh

Prix Nobel de physique 2023 : Des impulsions de lumière d’une durée de l’attoseconde pour sonder la matière

L’un des rêves des physiciens a longtemps été de pouvoir observer les mouvements des atomes dans la matière et, encore mieux, ceux des électrons.

Pour arriver à cela, il faut arriver à « éclairer » la danse des atomes pendant des temps de l’ordre de celui des mouvements de leurs particules , c’est à dire de l’ordre de l’attoseconde (10-18 s, soit un milliardième de milliardième de seconde ).

C’est ce que sont parvenus à obtenir les lauréats du Prix Nobel de Physique 2023,

les français Anne L’huillier et Pierre Agostini et le hongrois Ferenc Krausz.

En utilisant des lasers pulsés de forte puissance de fréquence élevée (période de l’ordre de la femtoseconde 1 fs = 10-15 s ), ils ont ionisé des atomes de gaz rares.  Cet effet non linéaire produit des photons de fréquences harmoniques qui peuvent atteindre des périodes de l’ordre de l’attoseconde.

Un harmonique est une composante sinusoïdale d’un phénomène périodique, ici la lumière oscillant à une certaine fréquence. Tout phénomène périodique peut être décomposé en une somme de sinusoïdes, la première dite fondamentale ayant la fréquence du phénomène périodique , les autres, les harmoniques, étant des fonctions sinusoïdales ayant des fréquences multiples entières de la fondamentale.
L’excitation d’un effet non linéaire par un phénomène sinusoïdal pur  engendre des harmoniques.

La figure 1 représente l’expérience réalisée dans les années 2000 au CEA Saclay par l’équipe dont faisait partie Pierre Agostini :

Avec une intensité du laser d’environ 100TW/cm² , différents harmoniques impairs sont générés mais le miroir en tungstène utilisé pour renvoyer le faisceau dans un spectromètre à électrons supprime le spectre au-delà du 19ième harmonique. La partie centrale du faisceau laser fournit la lumière IR utilisée pour induire par interférence des bandes latérales des harmoniques avec un délai réglable ( voir Fig.2. ci-après).

 

Fig.1. Montage expérimental Le faisceau d’un laser Titane-Saphir(800 nm IR, impulsions de 40 fs,fréquence de répétition 1 kHz) est séparé en un faisceau annulaire extérieur (énergie 3 mJ) et un petit faisceau central (30 µJ). Ces 2 faisceaux sont focalisés sur un jet d’argon, Ar. L’élément le plus près du centre de a partie annulaire génère des harmoniques (dans l’extrême ultraviolet,XUV). La partie annulaire est alors bloquée par un diaphragme et seule la partie centrale de l’impulsion IR et ses harmoniques va attaquer un miroir sphérique en tungstène (distance focale 35 mm). Ce dernier focalise la lumière sur un second jet d’!argon. Les électrons dûs à la photo-ionisation du jet sont détectés au bout d’un spectromètre à mesure du temps de vol par une galette de micro canaux. Les harmoniques, impairs par raison de symétrie, peuvent être décalés en temps de l’impulsion IR par une plaque épaisse de verre qui retarde l’IR. Tiré de Observation of a Train of Attosecond Pulses from High Harmonic Generation P. M. Paul, E. S. Toma, P. Breger, G. Mullot, F. Auge, Ph. Balcou,H. G. Muller, P. Agostini 1 JUNE 2001 VOL 292 SCIENCE Avec autorisation.

Fig.1. Montage expérimental
Le faisceau d’un laser Titane-Saphir(800 nm IR, impulsions d’une durée de 40 fs (femtoseconde), fréquence de répétition 1 kHz), est séparé en un faisceau annulaire extérieur (énergie 3 mJ) et un petit faisceau central (30 µJ). Ces 2 faisceaux sont focalisés sur un jet d’argon, Ar. L’élément le plus près du centre de a partie annulaire génère des harmoniques (dans l’extrême ultraviolet, XUV). La partie annulaire est alors bloquée par un diaphragme
et seule la partie centrale de l’impulsion IR et ses harmoniques va attaquer un miroir
sphérique en tungstène (distance focale 35 mm). Ce dernier focalise la lumière sur un second jet d’argon. Les électrons dûs à la photo-ionisation du jet sont détectés au bout d’un spectromètre à mesure du temps de vol par une galette de micro canaux. Les harmoniques, impairs par raison de symétrie, peuvent être décalés en temps de l’impulsion IR par une plaque épaisse de verre qui retarde l’IR.
Tiré de Observation of a Train of Attosecond Pulses from High Harmonic Generation P. M. Paul, E. S. Toma, P. Breger, G. Mullot, F. Auge, Ph. Balcou,H. G. Muller, P. Agostini 1 JUNE 2001 VOL 292 SCIENCE Avec autorisation.

 

Les résultats expérimentaux montrent l’existence d’impulsions attoseconde.
La figure 2 ci-dessous en présente quelques unes.

Fig.2. Spectre photoélectronique de l’argon ionisé par une superposition d’harmoniques impairs d’un laser IR (A) En B et C, on a ajouté une part du rayonnement fondamental, faisant ainsi apparaître des bandes latérales entre les pics harmoniques. Modifier le délai temporel entre l’infrarouge,IR, et les harmoniques de -1,7 fs en B à -2,5 fs en C induit une forte variation d’amplitude des bandes latérales. Tiré de Observation of a Train of Attosecond Pulses from High Harmonic Generation P. M. Paul, E. S. Toma, P. Breger, G. Mullot, F. Auge, Ph. Balcou,H. G. Muller, P. Agostini 1 JUNE 2001 VOL 292 SCIENCE Avec autorisation.

Fig.2. Spectre photoélectronique de l’argon ionisé
par une superposition d’harmoniques impairs d’un laser IR (A)
En B et C, on a ajouté une part du rayonnement fondamental, faisant ainsi apparaître des bandes latérales entre les pics harmoniques. Modifier le délai temporel entre l’infrarouge,IR, et les harmoniques de -1,7 fs en B à -2,5 fs
en C induit une forte variation d’amplitude des bandes latérales.
Tiré de Observation of a Train of Attosecond Pulses from High Harmonic Generation P. M. Paul, E. S. Toma, P. Breger, G. Mullot, F. Auge, Ph. Balcou,H. G. Muller, P. Agostini  1 JUNE 2001 VOL 292 SCIENCE Avec autorisation.

 

Depuis les premières démonstrations de la génération d’impulsions d’une durée de l’attoseconde dans la région de l’extrême ultraviolet, on a introduit plusieurs techniques qui permettent l’observation de la dynamique ultra-rapide d’électrons et de noyaux dans les atomes, les molécules et les solides. Citons, par exemple, le travail expérimental et d’interprétation théorique d’ Anne L’huillier ou encore celui de F.Krausz sur les biofluides.

Les lauréats, en maîtrisant les effets des lasers de puissance pour obtenir des impulsions de lumière de l’ordre de l’attoseconde, ont permis d’ouvrir une fenêtre à l’exploration de phénomènes jusqu’ici impossibles à mettre en évidence à cause de leur rapidité.

 

 

Pour en savoir plus :

Observation of a Train of Attosecond Pulses from High Harmonic Generation P. M. Paul, E. S. Toma, P. Breger, G. Mullot, F. Auge, Ph. Balcou,H. G. Muller, P. Agostini
1 JUNE 2001 VOL 292 SCIENCE

A. L’Huillier, K.J. Schafer and K.C. Kulander, J. Phys. B: At. Mol. Opt. Phys.
24, 3315 (1991).