Une particule piégée pour créer une image à 3 dimensions

Les  image en trois dimensions sont généralement obtenues à partir d’une série d’images 2D prises sous des angles différents ou à des profondeurs différentes. On connaît bien les images stéréoscopiques obtenues à l’aide de deux images prises sous 2 angles différents et sélectionnées par des lunettes polarisantes. On peut se rendre compte qu’elles sont imparfaites en s’écartant de la normale à la projection.
Pour restituer une vraie vue en relief, il faut pouvoir regarder l’image sous tous les angles, c’est ce qu’on appelle réaliser un rendu volumique direct. Pour cela, il faut pouvoir attribuer une intensité lumineuse et une couleur données à chaque point échantillonné. C’est ce que réalisent par exemple l’holographie  ainsi que d’autres techniques comme l’imagerie plasma, mais elles ont toutes l’inconvénient de limiter fortement  l’angle sous lequel on peut voir l’objet représenté.
Des chercheurs de la Brigham Young University, Provo, Utah, U.S.A. ont mis au point un nouveau dispositif de rendu volumique direct basé sur le piégeage optique  dans l’espace d’une particule absorbante d’une taille inférieure à 10 micromètres que l’on peut déplacer et éclairer en couleur à volonté.
 
Ce dispositif, appelé Optical Trap Display, OTD, (ce qui signifie Affichage par Piège Optique, APO, en français) fournit des points image que l’on peut  voir de presque toutes les directions. Il crée des images en couleur, flottant dans l’air et dotées de fins détails.
Le piège optique est obtenu à l’aide d’une lumière laser presque invisible (longueur d’onde λ= 405nm, bleu violet,  à l’extrême du spectre visible, avant l’ultra-violet). Celle-ci est bien absorbée par les particules utilisées.
La technique utilisée ressemble à celle des pinces optiques utilisées couramment en biologie pour déplacer des cellules, organites ou particules et en physique pour déplacer des atomes.

Les pinces optiques utilisent les minuscules forces électromagnétiques qui s’exercent sur une particule à l’intérieur d’un faisceau laser en particulier au niveau de son col (waist) où se focalise sa lumière. Le schéma suivant montre la force de rappel vers le centre du faisceau laser qui s’exerce sur la particule. Cette force est  analogue à celle d’un ressort.

Crédit Wikipedia C.C.3

Mais, à la différence des pinces optiques, où les forces agissant sur les particules sont  principalement des forces électriques, dans le cas du piège optique OTD utilisé pour l’affichage 3 D,  ce sont des forces d’origine thermiques parce qu’on utilise des particules qui absorbent la lumière. Elles sont dues aux  différence de température de part et d’autre de la particule  qui modifient  les mouvements browniens des molécules d’air qui l’entourent.
Le faisceau laser  à 405 nm  est focalisé optiquement dans la région voulue de l’espace.
En  déplaçant dans les trois dimensions le faisceau focalisé, on fera balayer l’espace par la particule.
La vidéo ci-dessous montre des mouvements à 3 dimensions qu’on peut assigner par cette technique à une particule. Ici, elle est éclairée par une seule couleur.
[jwplayer mediaid= »23261″] Crédit Video Brigham Young University
Dès qu’une particule est piégée, le système de balayage agit sur le piège, déplaçant la particule dans un volume de l’espace que l’observateur peut voir entièrement sous tous les angles. Un système de 3 diodes laser de couleurs respectives rouge, vert, bleu (RVB), colinéaires au faisceau piège à 405 nm, éclaire la particule pour créer une image 3D couleur dans l’espace grâce à la persistance rétinienne.

La persistance rétinienne entraîne qu’une image est rémanente (persistante) durant 1/25 de seconde sur la rétine d’un observateur. A une fréquence supérieure à 20 images par secondes, l’œil sera donc capable de capter des images successives sans clignotement. A des fréquences inférieures, il y aura clignotement car la succession des images sera perçue, mais il restera faible au-dessus de 10 images/s. Le dessin animé ci-dessous d’un cheval au galop est affiché en 12 images par seconde. La succession d’images est perceptible mais la persistance rétinienne donne néanmoins l’impression d’un mouvement continu.   Crédit Wikipedia C.C.2.5.  Animation by Jan-Eric Nyström, Helsinki, Finland

La variation d’intensité lumineuse de l’éclairage permet d’obtenir une large palette de couleurs. Les images obtenues peuvent comporter des points plus petits que 10 micromètres, ce qui fournit une résolution remarquable.
Ces mouvements sont obtenus dans le montage de la Fig.1 ci-dessous.Le système de balayage  et d’inclinaison de la lentille est réalisé à l’aide de miroirs mobiles commandés électriquement. Le miroir dichroïque réfléchit la lumière du piège à 405 nm  et laisse passer la lumière d’illumination fournie par les diodes laser RVB.

Fig.1. Affichage par piège optique a) Une lumière à faible visibilité (bleu-violet) piège une particule et lui fait balayer un volume. La particule est éclairée par une source laser à 3 couleurs (RVB) qui peut faire varier l'intensité lumineuse et la position de la particule piégée. Pendant que l'espace concerné est balayé par la particule, la persistance rétinienne permet la perception de l'image. b) Photographie d'une des premières images OTD obtenues. c) Image du logo de Brigham Young University. Tiré de A photophoretic-trap volumetric display D. E. Smalley, E. Nygaard, K. Squire, J. Van Wagoner, J. Rasmussen, S. Gneiting, K. Qaderi, J. Goodsel1, W. Rogers, M. Lindsey, K. Costne, A. Monk, M. Pearson, B. Haymore & J. Peatross Nature, 5 5 3, 2 5 january 2 018

Fig.1. Affichage 3 D par piège optique
a) Une lumière à faible visibilité (bleu-violet) piège une particule et
lui fait balayer un volume. La particule est éclairée par une source laser
à 3 couleurs (RVB) qui peut faire varier l’intensité lumineuse et la position de la particule piégée. Pendant que l’espace concerné est balayé par la particule, la persistance rétinienne permet la perception de l’image.
b) Photographie d’une des premières images OTD obtenues.
c) Image du logo de Brigham Young University.
Tiré de A photophoretic-trap volumetric display
D. E. Smalley, E. Nygaard, K. Squire, J. Van Wagoner, J. Rasmussen, S. Gneiting, K. Qaderi, J. Goodsel1, W. Rogers, M. Lindsey, K. Costne, A. Monk, M. Pearson, B. Haymore & J. Peatross
Nature, 5 5 3, 2 5 january 2 018

La vidéo suivante correspond à l’image 1c.
[jwplayer mediaid= »23269″]Crédit Video Brigham Young University.
On a photographié (Fig.2.) diverses images 3 D obtenues par ce procédé..

Fig.2. Images 3D flottant dans l'air a_c) Images d'un prisme vu sous tous ses angles d) Le piège et ses faisceaux d'éclairage sont émis à partir de l'ouverture circulaire que l'on voit à gauche pour former un peu plus loin une image 3 D d'un des chercheurs. e) Agrandissement de cette image Tiré de A photophoretic-trap volumetric display D. E. Smalley, E. Nygaard, K. Squire, J. Van Wagoner, J. Rasmussen, S. Gneiting, K. Qaderi, J. Goodsel1, W. Rogers, M. Lindsey, K. Costne, A. Monk, M. Pearson, B. Haymore & J. Peatross N AT U R E, 5 5 3, 2 5 january 2 0 1 8 Avec autorisation.

Fig.2. Images 3D flottant dans l’air
a_c) Images d’un prisme vu sous tous ses angles
d) Le piège et ses faisceaux d’éclairage sont émis à partir de l’ouverture circulaire que l’on voit à gauche pour former un peu plus loin une image 3 D d’un des chercheurs.
e) Gros-plan de cette image
Tiré de A photophoretic-trap volumetric display
D. E. Smalley, E. Nygaard, K. Squire, J. Van Wagoner, J. Rasmussen, S. Gneiting, K. Qaderi, J. Goodsel1, W. Rogers,
M. Lindsey, K. Costne, A. Monk, M. Pearson, B. Haymore & J. Peatross
N AT U R E, 5 5 3, 2 5 january 2 0 1 8 Avec autorisation.

Ces images 3D ont été obtenues avec une dimension minima de points de 10 µm, ce qui correspond à une résolution de 630 points par cm (1600 points par inch).
Les performances de ce système d’affichage 3D dépendent de la qualité du piège optique. La puissance de celui-ci, sa longueur d’onde et son ouverture optique influent sur  la durée du piégeage et sa résistance aux courants d’air. La durée maximum de maintien de la particule a été de 17,2 heures.

Comme il faut beaucoup de points discrets éclairés pour former l’image en 3D, le processus est assez lent (de l’ordre d’une dizaine de secondes) et limité pour le moment à des images fixes. Mais D. E. Smalley et son équipe envisage de piéger en parallèle plusieurs particules. Ceci permettrait d’accélérer le processus afin d’obtenir des images dynamiques.
Ce dispositif offre une voie nouvelle pour l’affichage d’images 3D et son utilisation en neurochirurgie, par exemple et en robotique.

Pour en savoir plus :
A photophoretic-trap volumetric display
D. E. Smalley, E. Nygaard, K. Squire, J. Van Wagoner, J. Rasmussen, S. Gneiting, K. Qaderi, J. Goodsel1, W. Rogers, Lindsey, K. Costne, A. Monk, M. Pearson, B. Haymore & J. Peatross
N AT U R E, 5 5 3, 2 5 january 2 0 1 8