Voir en relief sans lunettes sur une tablette ou un écran de téléphone mobile

Nous connaissons tous les lunettes à polariseurs qui nous permettent de voir des films en 3D. Mais il existe des systèmes pour voir des vues en relief sans lunettes. Le chercheur français D. Fattal et ses collègues du Hewlett-Packard Laboratories,  Palo Alto, Californie, USA proposent un nouveau procédé qui pourrait fonctionner même sur les petits écrans des téléphones mobiles.

 Pour  voir en relief, il faut toujours avoir obtenu des vues stéréoscopiques, c’est-à-dire prises avec des objectifs écartés d’environ 63 mm, comme nos yeux. Chacun de nos yeux doit ensuite recevoir l’image qui lui est destinée. Pour voir en 3 D sans lunettes, cette sélection d’images doit être due au dispositif d’imagerie lui-même. C’est ce qu’on appelle un système d’imagerie auto-stéréoscopique. Les deux images destinées à l’œil droit et à l’œil  gauche sont envoyées dans des zones angulaires de vision déterminées. La figure 1 montre de tels systèmes avec un nombre de zones d’observation pour chaque œil allant de 2 à 16.

Fig 1 Trois exemples de système de stéréoscopie 3D où l’effet de relief provient de l’image et ne nécessite pas de lunettes.
a) Deux zones d’observation seulement, une pour chaque œil, il n’y a qu’une position pour voir en relief.
b) Les zones d’observation sont 5 fois plus nombreuses. Un observateur bien placé (√)voit le relief. Mais s’il est mal placé(x), il voit l’image de droite par l’œil gauche, l’image de gauche par l’œil droit, on dit qu’on a une pseudoscopie.
c) Il y a seize zones d’observation. Chaque observateur voit une image 3D. C’est ce qui est réalisé dans les téléviseurs 3D par des barres verticales parallèles et c’est aussi ce que produit le système proposé par l’équipe de D.Fattal. Crédit Nature. N.A. Dodgson.

Le cœur du système de multi-vision stéréoscopique proposée par l’équipe de HP est un ensemble de minuscules réseaux de diffraction chacun de la taille d’un pixel. Ils sont déposés à la surface d’un substrat de rétro-éclairage, c’est- à dire que la lumière vient de l’arrière.  Des diodes émettrices de lumière envoient pour cela une lumière polarisée parallèle à la plaque de substrat. (Fig.2).Cette lumière est guidée à l’intérieur du substrat par la  seule réflexion totale. Elle n’émerge du substrat qu’au niveau des réseaux de diffraction.
Une couche de cristaux LCD classiques déposée sur la plaque permet de moduler l’image.

Fig.2. Schéma du système de rétro-éclairage à multiples faisceaux angulaires.                                                     a) Image au microscope électronique à balayage d’un des réseaux de la taille d’un pixel fabriqués par photolithographie classique.
b) Schéma du système de rétro-éclairage à plusieurs directions. Les réseaux diffusent la lumière dans des directions correspondant à la diffraction du premier ordre.
La lumière d’entrée fournie par une LED est guidée dans la plaque par réflexion totale. Elle est polarisée selon le vecteur jaune marqué TE. Ceci facilitera sa modulation par une plaque de cristaux liquides classique non représenté ici et qui est posée sur la plaque de rétro-éclairage. On a représenté ici l’illumination par une seule lumière monochromatique par souci de simplicité; le système réalisé est éclairé par 3 LEDS de couleur différentes. Crédit Nature

Un réseau de diffraction est un dispositif composé de fentes ou de rayures parallèles espacées régulièrement. S’il reçoit une  lumière monochromatique, il la dévie en plusieurs directions différentes . Ce sont les différents ordres de diffraction, celui le plus près de la direction de la lumière incident est appelé le premier ordre de diffraction. La diffraction par un réseau dépend de l’espacement des fentes et de la longueur d’onde de la lumière.
Si la lumière incidente n’est pas monochromatique, chaque ordre de diffraction est divisé en plusieurs directions correspondant chacune à une longueur d’onde donnée. On dit alors que le réseau est dispersif.

Cette illumination de pixels diffractifs par une lumière guidée permet de gérer 3 ensembles de pixels qui peuvent être sélectionnés en changeant l’angle de la lumière guidée. Ceci permet de traiter les couleurs sans filtres et même d’obtenir un système transparent. En outre, cette géométrie sélectionne le premier ordre de diffraction de la lumière et évite ainsi des images fantômes.

Fig.3. Image d'un prototype transparent avec un éclairage par 3 diodes donnant chacune une couleur primaire (rouge, vert, bleu). Bien sûr, la photo en deux dimensions ne rend l'impression de relief que par la perspective.

Fig.3. Image d’un prototype transparent avec un éclairage par 3
diodes donnant chacune une couleur primaire (rouge, vert, bleu).
Bien sûr, la photo en deux dimensions ne rend l’impression de relief
que par la perspective. Crédit Nature

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Fig.4. Image 3D d’une figurine de tortue vue de deux différents points. Crédit Nature.

Les figures 3 et 4 ont été réalisées avec un prototype donnant 14 directions distinctes d’observation que les chercheurs pensent porter à 64. Avec un nombre de zones aussi élevée, l’écart entre celles-ci est assez faible pour donner un effet 3D similaire à celui donné par un hologramme (voir  blog du 24 juin 2012 : Quand l’holographie fournit des images animées en 3D en lumière blanche). L’un des avantages de cette technique est qu’il est aisé d’animer les images à des cadences suffisamment élevées. On peut penser qu’elle sera bien exploitée pour les tablettes et les téléphones mobiles, mais elle peut avoir aussi d’importantes applications par exemple pour la cartographie à 3 dimensions, la surveillance médicale à distance et la chirurgie robotisée.
Pour en savoir plus :
A multi-directional backlight for a wide-angle, glasses-free three-dimensional display, David Fattal, Zhen Peng, Tho Tran, Sonny Vo, Marco Fiorentino, Jim Brug  & Raymond G. Beausoleil, Nature, 495, 21 march 2013.
3D without the glasses,  N.A. Dodgson, Nature, 495, 21 march ,013