Convertir en électricité la chaleur d’une source à faible température
Toutes les machines thermiques (qui convertissent de la chaleur en énergie mécanique) nécessitent une source chaude dont elles absorbent de la chaleur et une source froide (généralement l’air ambiant) dans laquelle elles rejettent la part de chaleur non transformée en énergie mécanique. Dans un pays comme la France, c’est environ 60% de l’énergie thermique consommée qui est ainsi rejetée. En outre de nombreux processus de la chimie ou des réactions nucléaires s’accompagnent d’émissions de chaleur. Transformer, tout ou en partie, en électricité cette énergie perdue sous forme de chaleur serait d’un grand intérêt.
Des dispositifs photovoltaïques qui convertissent en électricité un rayonnement lumineux émis par une source thermique à large bande sont une technique a priori intéressante pour la conversion de l’énergie solaire et la récupération de l’énergie représentée par la chaleur dissipée. Mais ces dispositifs fonctionnent dans un domaine de température allant de 1000 à 2000 Kelvin, correspondant à une radiation émise de longueur d’onde λ= 1.4 to 3.0 μm . Ces photons d’énergie correspondent à une bande d’énergie interdite d’un semi-conducteur d’une largeur allant de EG = 0.43 to 0.86 eV ; ils peuvent alors exciter un électron et un trou à franchir cette barrière, créant un courant électrique.
Le problème des sources de chaleur à faible température
Mais la plus grande partie de la chaleur dissipée et perdue dans les processus industriels l’est à des températures allant de 100 à 400° C, c’est-à-dire que la lumière émise correspondante va de λ = 7 à 12 µm, domaine spectral de l’infrarouge. Or les systèmes photovoltaîques ont été développés pour des sources d’une température de 1000 ° C . La conversion de rayonnement thermique de plus grandes longueur d’onde pose de nombreux problèmes. On a proposé une méthode alternative utilisant une structure en antenne concentrant la lumière sur une diode rapide qui fournit un courant électrique continu. Cela avait fonctionné à des fréquences élevées, donc des longueurs d’ondes plus courtes. Pour les longueurs d’onde plus longues de l’IR, cela restait plus hasardeux.
Une équipe de chercheurs du Sandia National Laboratory, Albuquerque, USA, ont relevé ce défi en utilisant des diodes tunnel bipolaires en semiconducteur métal-oxyde (CMOS).
Les ondes électromagnétiques infrarouge (IR) sont couplées à ces diodes tunnel par un réseau de bandes métalliques (aluminium) faisant partie de la structure. (Fig.2). Ce réseau confine la lumière dans la couche de 3 à 4 nm de silice (SiO2)) schématisée en rose sur la fig.2.A et en vert sur la Fig.2.B.
Le champ électrique est concentré par le réseau dans la couche de silice SiO2. Il entraîne par effet tunnel le passage d’électrons du silicium dopé de type p dans le métal puis dans le silicium dopé de type n.
Les chercheurs de Sandia Laboratory ont obtenu une densité de puissance de 8 nW/cm2 avec des sources de chaleur de température entre 400 et 450°C en utilisant un dispositif à diode tunnel de grande surface.
Ce résultat peut paraître modeste, mais il est supérieur de plusieurs ordres de grandeur à celui obtenu avec une diode semiconductrice classique à jonction p-n.
C’est l’utilisation de multiples jonctions tunnel bipolaires qui est à l’origine de cela. Mais si la résonance rencontrée par la lumière dans la silice (SiO2 ) du réseau canalise le rayonnement thermique incident et augmente le rendement de l’effet tunnel, une large fraction de ce rayonnement est inutilisée parce que les radiations qui la composent ont des longueurs d’onde éloignées de celle de la résonance dans la silice.
Il faudra donc améliorer cela en combinant les microstructures utilisées et les dispersions des différents matériaux pour augmenter considérablement la bande passante de ce dispositif photonique. Et ainsi, on pourra exploiter la substantielle quantité de chaleur perdue à des températures inférieures à 250°C.
Pour en savoir plus :
Electrical power generation from moderate-temperature radiative thermal sources, Paul S. Davids, Jared Kirsch, Andrew Starbuck, Robert Jarecki, Joshua Shank, David Peters,
SCIENCE, 20 march 2020 • VOL 367 ISSUE 6484.
Thermal light tunnels its way into electricity New devices convert low-temperature heat into electricity, Aaswath P. Raman
SCIENCE, 20 march 2020 • VOL 367 ISSUE 6484.